dimanche 7 novembre 2010

The Housemartins, period.


Et si on se faisait une introduction façon SF pour une fois.
Imaginons une dimension parallèle, un monde alternatif. Dans ce monde, outre le fait que je serais svelte et beau pour changer et parce que ça m'arrange, U2 n'aurait pas survécu à leur deuxième album, se serait séparé au beau millieu des années 80, Duran Duran n'aurait jamais vu le jour et bien d'autres calamités nous auraient été épargnées.

En lieu et place du rouleau compresseur mainstream nommé ci-dessus, The Housemartins vendraient des millions d'albums tous aussi bons les uns que les autres, nous porterions tous fièrement la brosse sans gel et des gilets trop longs, arborerions des bobines de gendres idéaux, danserions comme des demeurés, et ne raterions pas une date live de ce groupe phare dans notre hexagone.
Paul Heaton aurait roulé une pelle au pape et chanté comme un dieu pour les réfugiés de Sarajevo, Norman Cook aurait par miracle épousé une bombe ébène, et Stan Cullimore n'aurait pas besoin d'un bonnet, d'une moustache et d'une tonne de chorus et trois de delay pour faire rêver tous les 6 cordeux en herbe. "London 0 Hull 4" et "The people who grinned themselves to death" brilleraient au firmament des meilleurs galettes que ce monde ( fantasmagorique rappelons-le ) ait connu.
Seule ombre au tableau, je serai passé à côté de Freak Power, n'aurait pas chialé comme une madeleine après mon premier rateau au son de "Song for whoever", Fat Boy Slim n'aurait pas fait virevolter Christopher Walken dans un clip hors du commun.

Revenons donc sur terre.
U2 va bien merci, mais qui se soucie des Housemartins aujourd'hui ? Pas grand monde. Même moi, et ma science quasi infuse, ( merci pour mes chevilles, tout baigne ... ) si mon pote Ludo ( qui écoutait quand même un paquet de trucs pas complètement avouables à l'époque ) ne m'avait pas, un matin d'automne 1995, ramené sous le manteau une cassette de son frère, je serai peut-être resté tout aussi ignorant que toi, lecteur (euse), de ce fabuleux groupe.
J'ai copié la cassette, l'ai usé jusqu'à la corde, et aujourd'hui, comme la cassette est un support has been et qu'internet est mon ami, il est temps pour moi de balancer à la face du monde ou des trois péquins qui prennent la peine de lire ma prose, une salve de cassettes virtuelles d'Heaton et sa bande ( c'est le cas de le dire ah ah !! ).

The Housemartins, c'est avant tout un foutu groupe de soul. Y'a qu'à écouter les lignes de voix qu'Heaton balance de sa voix un poil nasillarde et les choeurs qui illuminent la discographie du groupe pour s'en rendre compte. Le groupe doit plus aux pouliches et étalons de Motown, Stax and Co qu'aux punk anglais et même à leurs illustres prédecesseurs du Swingin' London.

The Housemartins c'est avant tout un putain de groupe de pop extrêmement classieux, passé maître dans l'art du format court mené à toute blinde, de la ligne de basse bien middle et mélodique qui envoie du bois, de l'arpège de Rickenbaker cristallin qui terrasse, de la mélodie accrocheuse qui marque ton tympan au fer rouge dès les premières secondes, et de la rythmique sèche et tonique qui te fait taper du pied et bouger le carafon avant même que ton cerveau ne s'en rende compte.
En bas de l'édition vinyle UK de "London 0 Hull 4" on peut lire : "16 songs 17 hits". Jamais argument marketing n'a été aussi prétentieusement vrai, aussi diaboliquement incontestable, à tel point qu'il ne s'agit même pas d'un horrible sticker éventuellement décollable, c'est indélébile.

The Housemartins c'est avant tout un groupe engagé. Pas de "Fuck you I won't do what ya tell me" cromagnonesque bien qu'exutoire, mais une volée de textes bien sentis et fredonnés avec le sourire à la face de la Queen et de cette bonne vieille Maggie alors au pouvoir de l'autre côté de la Manche. La révolution avec la banane, la contestation joyeuse.
Autant de scuds balancés il y a vingt ans, et encore ( trop ) souvent d'actualité. Essaye celle-là tiens "For too long the ruling class have enjoyed an extended New Years Eve Party, whilst we can only watch, faces pressed up against the glass" ou celle-là "The people who grinned themselves to death, smiled so much they failed to take a breath, and even if their kids were starving, they all thought the queen was charming" ou encore celle-là tiens "Don't try gate crashing a party full of bankers, burn the house down" . The Housemartins fait ainsi figure de pendant politiquement concerné des Smiths ( autre groupe pour lequel je renierais père et mère ... papa, maman ceci n'est qu'une figure de style douteuse ). Bon certes, les angliches étaient également de fieffés religieux, des culs-bénis patentés, et mon côté anti-clérical me force à taire ce volet là de leur engagement. Nobody's perfec,t comme me le chuchote du fond de son caveau le cadavre fraichement recouvert deTony Curtis.

Pour éviter de faire ce qui deviendrait peut-être la première chronique à peu près lisible sans un mot de traviole, il va quand même falloir que je pointe tout de même les quelques menus défauts de The Housemartins. Mais franchement, c'est quelques microscopiques points noirs mériteraient presque d'être passés sous silence.
Quelques slow un peu dégoulinants quoique tout à fait supportables ( "The light is always green" qui fout au passage une belle branlée à Spandau Ballet, "Johannesburg" et ses relents de Gilberto Gil passé à la javel, "Lean on me" où Paul Heaton se prend un peu trop pour un castra de la Nouvelle Orléans ), la traditionnelle minute d'harmonica pub-rock instrumentale ( 3 au total sur les deux albums, on va quand même pas se gêner ) souvent largement dispensable.
Je pensais même flinguer les doo-wop gospel "He ain't heavy, he's my brother" et "People get ready" mais à les réécouter là tout de suite maintenant, je me dis qu'ils ont quand même un sacré charme.

Finalement mon intro philipkdickienne n'était pas si impensable.
Je vis dans cette foutu réalité augmentée. Je ne sais pas qui est Bono, je n'ai jamais entendu parler de U2, et The Edge n'est pour moi que le dernier mot d'un single d'Aerosmith sur "Get a Grip".
Par contre, presque quotidiennement et parfois bien plus en cas de crise aigüe, je m'injecte ma dose d'Housemartins avec le même plaisir sans cesse renouvelé et refuse de voir la réalité en face, le cruel constat qui veut qu'il n'y ait que deux albums et un best of de ce groupe pourtant monumental.
Parfois pourtant je me dis que tout ça n'est pas que le fruit de mon imagination, quand au détour d'une conversation, je mentionne Housemartins, et un de mes interlocuteurs glisse à la sauvette le clin d'oeil du résistant, ou s'il est plus courageux, s'enthousiasme la larme à l'oeil de ne plus se savoir seul sur cette putain de planète à avoir vu passer la comète pop et de ne pas s'en être remis.

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