vendredi 15 octobre 2010

Les concertos pour piano

L'avantage d'avoir un blog, c'est d'avoir la possibilité d'y écrire tout sur n'importe quoi en s'imaginant simultanément que sa prose à une quelconque importance et qu'il existe un paquet de quidams pour écouter en hochant la tête d'approbation. La psychothérapie à la portée de tous les claviers, l'exutoire illusoire.
Prenez donc place Monsieur, allongez-vous sur le sofa, laptop sur les genoux et dites-moi donc.

Je hais le piano. Non pas que l'objet en tant que tel m'ait un jour fait quoi que ce soit, pas de trauma dans ma petite enfance, pas de travail acharné sous l'oeil torve d'une vieille professeur célibataire frigide qui sent la maison de retraite, pas de rupture amoureuse avec une pianiste de génie partie avec un pianiste tout aussi génial. Que veux-tu, lecteur(euse) j'ai ça chevillé au corps, le piano c'est pas pour moi, ni pour mes oreilles d'ailleurs.
Ni chez Clayderman et Céline Dion ( R.A.S ) ni chez Lennon, ni chez Radiohead, ni chez Belle and Sebastian, et Carole King. Même les premier albums de Tom Waits me filent la nausée. Pas plus chez Monk, Jelly Roll Morton et Fats Waller, bien que chez les sus-cités, le génie de la musique elle-même m'aide à supporter l'instrument. Au sommet de cette pyramide de dégoût pianistique se trouvent la majeure partie des concertos pour piano du répertoire classique, nous y reviendrons.

Alors c'est bien beau cette avalanche de méchanceté gratuite envers un instrument que je ne côtoie pas souvent, voire même rarement, et que je pourrais très bien choisir d'ignorer superbement, mais vas-tu me dire, pourquoi tant de haine ?
Bonne question. Il faut parfois savoir chercher des réponses aux interrogations les plus inutiles. C'est même souvent vital.

Tout d'abord le piano c'est populiste. Je n'arrive pas à envisager ne serait-ce qu'une demie seconde de pouvoir porter dans mon palpitant trop étroit un instrument dont monsieur tout le monde ( c'est-à-dire toi lecteur (euse) est-il besoin de le rappeler ) peut sortir un son comme ça, sans effort, sans apprentissage, sans sang, sueur et larmes. Et même pas un son cradingue comme le premier archet frotté sur une corde de violon, ou le premier vagissement nasillard d'une hanche double incontrôlée, non, non, non, un son potable, audible... un son de piano quoi.
Même la justesse, l'intonation, est préfabriquée. Un pianiste ne s'accorde pas. Une tierce personne s'en charge. Du coup, un pianiste qui joue faux n'est absolument pas coupable, c'est tout juste si on ne le plaint pas le pauvre : il est même victime d'un accordeur de piano qui ne sait pas faire son boulot.
Ce juste son lambda à la portée du premier venu, ça tue le métier ( et pas seulement des accordeurs dont il est question plus haut ), ça lamine la magie.

Il en va de la justesse comme du reste, un piano c'est binaire, faux ou juste, noir ou blanc, t'appuies ou pas. Les pains géniaux, les canards bien sentis n'existent pas au piano, la binarité de l'instrument n'autorise même pas ce genre d'accrocs heureux. C'est la bonne touche .... ou pas.

Comme le clébard et celui qui tient sa laisse, en musique il n'est pas rare qu'un mimétisme certain puisse être relevé entre l'instrument et l'instrumentiste.
CQFD. Je déteste les pianistes ( comme je déteste les trois quart de la terre entière me direz-vous, je ne suis plus à ça près ).

Le pianiste est au musicien ce que l'attaquant de pointe est au footballeur. Une fois que tu lui files le ballon, il le garde pour lui, et se retrouve en prime sous les projecteurs quand par hasard, il finit par en mettre une au fond en une heure et demie de jeu. Le grouillot de milieu de terrain qui court comme un dératé, tout le monde s'en fout.
Les pianistes jouent donc seuls. Même quand il sont accompagnés. Et en prime moi, et la majeure partie de mes collègues de l'orchestre encore concernés par leur travail, on est de surcroit priés de les suivre.
Au cocktail mondain d'après concert on pourra à loisir s'extasier devant la virtuosité du pianiste, son touché de velours, son interprétation lumineuse... de l'orchestre pas un mot sauf si, bien sûr, il n'a pas réussit à coller au train du divin soliste et de ses caprices musicaux, justifiés ou non. Et là on ne viendra pas dire au soliste "Oh coco faudrait penser à t'acheter un métronome et écouter tes copains derrière."

Pour finir, il y a les concertos pour piano. Concerti même, devrais-je dire pour les ritalophones de l'assistance.
Les concertos pour piano sont à la musique savante ce que le métal symphonique est à la musique populaire. Une purge sans nom émaillée de quelques bonnes surprises. Je suis même étonné que les guitaristes chevelus dévaleurs de manche ne se soient pas encore intéressé à ce répertoire pourtant si riche en diahrées de notes et dégoulinage de traits plus vite que la lumière. Peut-être parce que ces mêmes chevelus n'ont que cinq doigts disponibles contre dix pour les pianistes... ça fait quand même un putain de challenge.

Listz ou Litsz ou Litzs ( je ne sais jamais ou se mets se foutu z donc autant prendre des précautions ), St Saens, Chopin, Tchaïkovsky, Schumann...pas un n'a réussi le prodige de me foutre les poils avec un concerto pour clavier.
C'est toujours la même chose, virtuosité à gogo, mélodies tire-larme ou pisse-mémé c'est au choix, le tout saupoudré du bon goût des pianistes ( même les plus brillants d'entre eux ) pour le rubato sans limites... et moi ça m'emmerde. Comme si le fait d'avoir dix doigts sur le clavier rendait criminel le fait de jouer une note isolée, sobre, un son pour un son.
Même sans le son, ou plutôt en se bouchant les oreilles, l'inclinaison des ces mêmes pianistes pour les tenues de scène rococo ( ah Brigitte Engerer et son peignoir de lumière piqué à l'ex-maîtresse de Boris Elstin .... ) et les mouvements circulaires ou semi-circulaires ou encore d'avant en arrière suffisent à me mettre littéralement le mal de mer.

Heureusement parfois, les jours où je suis peut-être un peu moins de mauvaise foi voire un peu moins con, j'ai eu des bonnes surprises.
Beethoven d'abord, le sourdingue de service et ces sonates pour clavier démoniaques qui poussent tout les potards sur onze, mettent tous les vumètres dans le rouge. Ca va trop vite, c'est trop construit, trop impressionnant, trop violent, trop doux, trop sensible, trop tout ... L'uppercut que m'a collé le dernier mouvement de l'Hammerklavier !
Ravel ensuite. Deux concertos pour piano, deux claques, deux putain de chefs-d'oeuvre. Je me souviens encore de Muraro et de son battoir gauche sur-dimensionné qui savait si bien souligner sobrement ( c'est suffisamment rare pour être noté ) que les fantômes du jazz hantent le grenier de ce bon vieux Maurice.
Prokofiev, Bartok et Grieg sont aussi dans le top five et hors catégorie : Hans Peter Kyburtz, dont le concerto m'a carrément scotché et m'a, l'espace d'un instant, fait voir qu'un autre piano était possible, qu'on pouvait dépoussiérer et même secouer cette foutue institution vieille comme le monde.

Pour finir , je n'aime peut-être pas le piano, les pianistes et les concertos pour piano parce que je suis moi-même passible d'un zéro pointé les mains sur un clavier. Poser les doigts sur les touches et vous comprendrez.
Un clavier de piano c'est un foutu continent, un espace immense sans repères, un monstre lisse et bi-chrome dont je ne parviens désespérément pas à comprendre l'anatomie, que je ne saurai vraisemblablement jamais dompter. Et pourtant qu'est-ce que ça doit être chouette de savoir jouer du piano ....

Bien Monsieur, relevez-vous la séance est finie. Ca va mieux ?
Tant mieux, parce qu'il faut que je te laisse lecteur (euse) je joue le premier Concerto de Chopin dans une heure dix ...

dimanche 10 octobre 2010

Motorama - Alps

Je suis né l'année de la mort de John Lennon et Ian Curtis . Pas de quoi la ramener, vous me direz que tout le monde s'en fout et que je ne dois pas être le seul, et pour une fois vous avez très vraisemblablement raison.
Ma pauvre existence n'a finalement eu qu'un faible laps de temps commun avec ces deux comètes de la musique moderne.

Le premier pas besoin de le présenter, même les plus bas de plafond d'entre vous, lecteur (euse) ont dû un jour caresser l'espoir d'une galloche fugace avec Cindy, la bombe de votre classe de 6e, sur fond d'"Imagine".
Le deuxième fut ( séquence culture générale : en cas d'acquis déjà validé, passez au paragraphe suivant ) le frontman épilleptico-suicidaire à voix d'outre-tombe qui pendant 4 courtes années grava dans le vinyle avec Joy Division les galettes les plus flamboyantes, les plus urgentes et les plus dramatiquement mal jouées de la deuxième moitié du vingtième siècle avant de tenter de faire de la balançoire avec la nuque dans sa cuisine un beau matin de mai.
Ses disques m'ont retourné à jamais. Cicatrices indélébiles sur les deux tympans.

Depuis, à chaque fois qu'un groupe me fait le coup de "sonner comme" ou du revival post-punk new wave, je mords à l'hameçon et le relâche presque aussitôt.
Interpol et son "Turn on the bright lights" m'aurait presque tiré les larmes avant qu' "Antics", "Our love to admire" et le dernier "Interpol" ne les fassent sécher d'ennui. Editors m'avait fait l'effet d'un pétard mouillé.
Ainsi donc, il me faudrait me contenter des éphémères effluves déprimo-groovy mancuniennes d'un Joy Division passé de vie à trépas quand j'étais occupé à faire le chemin dans l'autre sens. Plus jamais je n'aurai l'occasion de revivre ce moment de découverte fascinant, ce lendemain de foire ou le nez dans le café noir j'avais mis "Unkown Pleasures" sur la platine...

Et puis samedi, hier pour être plus précis, alors que je participais modestement à une émission de radio associative, dont on ne cessera de répéter à quel point elles sont précieuses, un des animateurs à mis ça : Motorama. Des Russes. Un bon morceau à première vue.
Fallait rester concentrer, j'avais des titres en live à assurer, j'ai écouté d'une oreille distraite et décider de noter le nom dans un coin encore accessible et vierge de ma boîte crânienne.

De retour à casa, internet est mon ami, je me mets à la recherche des russkofs en question pour en écouter plus et mieux.
Et là, si j'avais fait voeux de chasteté et que j'aimais me lever tôt le dimanche, je hurlerai au retour du messie.
Toutes mes images d'Epinal Russes sont balayées en deux accords de guitares sèche et cinglantes comme une rafale de zeph un soir de février sur la place rouge.

Déjà ça sonne de la mort... batterie ultra plate, grosse caisse en carton, charley bien devant, guitares claires et bien mediums, basse corde à linge très mélodique, une ou deux nappes de synthé bien senties, et une voix grave noyée dans une reverb à faire tourner chèvre le dernier ingé son boutonneux fraichement émoulu de son école.

Et en prime les morceaux sont dans l'ensemble très bons, et foutent trois à quatre longueurs à la concurrence actuellement en activité.
Ecoutez juste "Wind in her hair", "Ship", "Ghost"...Le tour de force est de nouveau réussi, des titres tristes comme la pierre, chantés par une voix de croquemort dépressif, mais soutenus par un groove bien raide, bien eighties, le seul qui ait jamais réussi à me libérer de ma paralysie chronique du bassin à l'approche d'un dancefloor.

Alors certes, l'anglais est approximatif et l'accent pas si loin de l'ancien cadre du parti fraichement éveillé au délices du marché, les gimmicks de guitares sont simplissimes et jouables avec deux doigts et une main qui sert la vodka, le batteur aurait besoin d'un pacemaker ou d'un métronome, le chanteur d'un accordeur, tout ça est très approximatif, mais ultra-spontané et monstrueusement efficace !

Il ne m'en a pas fallu plus pour chercher directement à acheter la si méchamment bien venue galette made in Rostov sur le Don.... et là stupeur, tremblements..... tout est en téléchargement libre, Motorama n'est pas signé ( en tous cas apparemment ... ). Raison de plus pour se rejouer et se rerejouer ce bel album sur soundcloud ici : http://soundcloud.com/motorama/sets/alpsalbum

mercredi 6 octobre 2010

Twin Pricks - Young at heart

Le père de mon meilleur pote nous l'a toujours dit, "Faut taper en premier et taper fort ". A l'heure où le sémillant jeune barbu ci-dessus prépare peut-être une chronique de mon premier effort discographique presque digne de ce nom, il fallait donc que je dégaine le premier.
J'ai même déjà trop tardé, "Young at heart" est sorti le 4 juin dernier, il n'en reste plus des tonnes et un nouveau 5 titres est déjà en gestation avancée.

Je le redis une dernière fois, ce blog et a fortiori cette chronique sont aussi éloignés de l'objectivité que Lady Gaga de l'art de la fugue. Au moins on est au clair là-dessus.

Premier maxi, disais-je donc, pour les deux Pricks qui n'en sont pourtant pas à leur premier projet ensemble ou séparément.
On n'épiloguera pas sur le passé des deux gugusses, qui balaie les trois quart de la musique moderne de l'électro au hardcore. Si tu le veux bien lecteur (euse) ( et même si tu ne le veux pas, la sortie se trouve en haut dans le coin gauche de la fenêtre ), on va se contenter de parler du contenu de cet EP.

Et y'en a un paquet de trucs à dire. Le premier c'est que ça tient sévèrement le pavé.
Les deux compères sont inspirés, et ces 5 titres qui fleurent bon la pop 90's en sont la preuve.

"A better view" ouvre le bal avec son gimmick de pelle qui vous reste bien entre les tympans, sa batterie rentre-dedans mais pas trop, sont anti-refrain sacrément bien balancé. Une belle entrée en matière, où on fait connaissance avec deux voix complémentaires, celle de Flo haut perchée et mélodique ( Paul Heaton qui aurait pris une bonne giclée de Sterimar dans le tarin n'est jamais bien loin ) et celle de Geo, plus brute, plus medium, sa jumelle façon bluesy-laine de verre.

Arrive ensuite le double crochet au flanc qui te cloue au sol..."Twin Freaks" et son intro rêverie lo-fi qui ne laisse rien voir venir du bourrinage en règle que sera le reste du morceau, concis, tendu et mortellement efficace, suivi d'un "I.R.T.F" qui, malgré son titre genre abréviation pour radio du temps jadis est un hit en puissance, malin, catchy mais pas téléphoné, doté d'un refrain que je me surprends à fredonner régulièrement quand justement je n'ai pas envie de faire comme tout le monde.
Douze première minutes de galette sous forme de sans faute, un départ en trombe qui ferait presque oublier qu'on a déjà avalé plus de la moitié du disque.

"You saved my day" accusera un peu le creux de la vague, l'orage y gronde sans jamais vraiment éclater, et les cocottes de charley sont un poil too much ... dommage donc, car je reste intimement persuadé que le duo tenait peut-être là une bonne réponse au "All systems red" de Calexico. Même la fin du titre me laisse sur la mienne ( de faim ) avec ce cut numérique assassin.
La dernière pépite de cette galette n'en sera que plus douce amère, ce "Fresh like death" au moelleux désabusé sur fond d'arpèges fantômes, que j'ai entendu un paquet de fois dans les murs de feu l'Emile Vache en me demandant bien quels petits malins avaient pu donner le jour à un morceau aussi tristement joyeux ou joyeusement triste c'est au choix.

Comme je suis une langue de dame en petite tenue qui donne du plaisir rémunéré, il faut bien que je dise deux ou trois vacheries quand même, mais va falloir que je me force.
Pas beaucoup d'ombres au tableau... Peut-être cette prod des voix et leur reverb lavabo salle de bain souvent trop prononcée, ce son de batterie un peu clair, ou ce goût pour les formats un poil trop longs, la voix de Flo qui flirt par moment avec l'accordeur et la rupture, ou ce fond d'accent anglo-rombasien (!) ( de Rombas pour les non-lorrains non-initiés ).

Sans transition, sortez les violons, faites péter les kleenex, nous voilà arriver à la conclusion.

Twin Pricks, c'est le groupe dont tout le monde parle ici dans le Grand Est, dont tout le monde a parlé et parlera encore. Le truc "in" de ces 6 derniers mois, le combo des deux mecs les plus en vue de la scène indé messine, qui tenaient la baraque de l'Emile avant sa dernière embardée dans le décor.
Le genre de types que je pensais ne jamais pouvoir approcher, à moins que ce ne soit pour une poignée de main molassonne et deux trois mots tremblants du style "excusez-moi, mais vous êtes cools et c'est mortel ce que vous faites et moi je suis vraiment un petit joueur".
La vérité c'est qu'au-delà de ce mini-phénomène local, derrière cette vitrine plus subie que voulue, il y a deux mecs furieusement passionnés comme on en croise pas tous les quatre matins, modestes, talentueux, humains et capables d'écluser des litres de gnôle sans vaciller ou presque... des gugusses qui vous font vous rappeler pourquoi faire de la musique, ou pourquoi en écouter, pourquoi trainer les bacs à la recherche d'une énième découverte, pourquoi se taper des bornes pour jouer devant quinze personnes et dormir dans un sac de couchage, et pourquoi ne pas abuser de la poire le mardi soir ( private joke .... ). Et si en prime je vous dis que le disque est bon, fini de flemmarder, on va là et on soutient : http://www.chezkitokat.com/welcome/Catalogue2.html


mardi 5 octobre 2010

Katerine - Philippe Katerine



Mes parents, mes amis, ma femme, mes collègues et mon chien ( si j'en avais un ) pourront vous le dire, j'aime assez le second degré, comme même le troisième et ceux qui suivent. Mais y'a des limites, faut pas déconner non plus.
J'avais laissé Katerine à l'apogée de son succès populaire, à l'heure où, élégamment cintré dans un moule-prépuce rose, il chantait d'une voix débilo-comique qu'il adorait regarder danser les gens au bar du Louxor.

L'album m'avait fait gentiment marrer, la démarche du branleur qui pousse le concept de la rentabilité maximale et du retour sur investissement à son paroxysme en faisant un disque avec une groovebox et deux cure-dents aussi.
Pas le genre de galette que j'écouterai à longueur de journée, pas le genre de disque qui me ferait arrêter toute activité musicale en hurlant au génie, certes. Et puis en live ça avait de la gueule, avec feu les Little Rabbits qui transformaient cette pantalonnade synthétique en brûlots rock'n roll foutraque sous le nom de la Secte Humaine.

Mais, comme je le disais plus haut, y'a des limites, faut pas déconner, du bar du Louxor au PMU de Rire et Chansons, il n'y parfois qu'un...faux... pas.

Alors certes les boboïsants dotés d'un demi-tympan pourront toujours convoquer les fantômes du dadaïsme, Duchamp et ses potes, mais comme l'a fort justement dit un jour un copain à moi très fréquentable, "En musique y'a pas de juste milieu, ou c'est bon ou c'est de la merde".

Vous allez me dire, lecteur(euse) que si ce nouvel opus de Katerine penche très clairement du côté de l'étron sans intérêt, pourquoi gaspiller ces quelques minutes au demeurant précieuses à écrire ou lire le moindre mot sur cette daube absconse.

Pour être honnête, il fut une époque encore pas si lointaine où un type comme Katerine me redonnait foi dans la chanson hexagonale. "8e Ciel", "L'Education anglaise", "Les créatures", "Mes mauvaises fréquentations", furent, et sont encore, autant de disques précieux, affranchis du sempiternel patrimoine franchouillardo-cabaret à textes, diablement classes et foutrement bien gaulés.
Semi-échecs commerciaux, petits secrets bien gardés qu'on se refilait sous le manteau alors que la vague vociférante québécoise polluait la totalité des ondes, ces disques de Katerine valaient leur pesant de velours côtelé.

Le problème c'est que la blague "Robot après tout" a marché... foutrement trop marché. Et comme toujours, on a commencé à entendre le bon Philippe dans son plus mauvais rôle au rayon frais des supermarchés, dans les boîtes de nuit branchouilles et les bals de fond de campagne, chez Drucker et consorts, Katerine ne perdant pas une occasion de faire ce que tout le monde attendait de lui : le débile léger vaguement talentueux.

Ce nouvel album n'est donc que la seconde phase de ce qui pourrait bien être l'autodestruction programmée d'un type pourtant très fréquentable au départ....

24 chansons courtes ( point culminant à 3 minutes et des poussières ), 24 titres vite jetés, pour rester poli, mais néanmoins parfois accrocheurs ( je mets au défis quiconque de ne pas avoir envie de se jeter d'un pont pour s'ôter du crâne le refrain de "La banane"), 24 morceaux sans se fouler, sans fond, sans musique, sans âme mais avec un potentiel de chianlie bien au-dessus de la moyenne.
Là où "Robot après tout" faisait dans le minimalisme synthétique, cette galette fait dans la paresse, le pénible et le kitsch à la lisière du vomitif ( "Bla bla bla" et le reste ... )

Les textes sont à l'image des sons ....

Certes encore une fois, la semi-bourgeoisie demi-cultivée et au trois quart sourde vous louera le côté corrosif de la prose de Katerine. "Liberté mon cul" c'est quand même très, mais alors très provocateur, "Téléphone" doit être le procès le plus vitriolé de notre société de consommation, et "Juifs arabes" le plus bel appel à la reprise du processus de paix au proche orient ... mon cul justement, tout ça ressemble à de la littérature digne de celle que j'échangeais sous forme de petit mots avec le peu de potes que j'avais dans ma classe de CP.

Bref à trop vouloir faire le guignol, c'est désormais sûr, le Philippe Katerine que j'aimais est mort et enterré, le dandy aux sous-pull colorés et costards étriqués a passé l'arme à gauche, pour réssuciter sous la forme d'un beauf aux cheveux filasses, à la voix dégueulasse et au style lénifiant.
Pour tout vous dire, même mon clavier en a fait le lapsus, k et l étant si proches.... pour écouter l'album en streaming, j'ai tapé Philippe Laterine... cruel homophone.