vendredi 5 novembre 2010

Cheap yet precious

Les plaisirs à petit prix sont rares en ce bas monde. Dans ce Nord consumériste, pour la qualité,comme le style, il faut souvent ne pas hésiter à affronter le courroux de son banquier ou tirer un trait sur un tant soit peu de classe. Tente donc lecteur (euse) d'acheter un ersatz de Converse made in Chaussland, une pelle de chez Lag ou même une Logan tiens ...

Heureusement qu'il reste de petits îlots de résistance, ou plutôt des océans de bacs à vinyls remplis de galettes de deuxième ou de troisième voire même de vingt-cinquième main, communément appelés cheapos, pour faire exception à la règle.

Ca tombe bien, La Face Cachée, le disquaire quasi en bas de chez moi, vient d'ouvrir un deuxième magasin remplit de ces cheapos que j'affectionne tant. Vu la part non négligeable de salaire que lui laissent une foultitude de gugusses de cette bonne vieille ville de Metz, à un rythme presque mensuel, Médé, le taulier, nous devait, à moi et beaucoup d'autres, bien ça.

Pourtant, j'en suis la preuve vivante, et en ai fait moi-même l'expérience pas plus tard que la semaine dernière, la magie du marketing, le vaudou du commerce sont ainsi faits que cette nouvelle échoppe, "La face B", située juste de l'autre côté de la "A", ne peut au final qu'alourdir encore le poids du budget son d'un ménage comme le mien.

Tous les scénarii sont plus inévitables les uns que les autres : à 3€ le cheapos, tu te dis que tu peux bien te permettre d'aller jeter un oeil en face aux sorties qui affichent trois fois ce prix, si tu commences par ces dernières, tu te dis que tu n'es plus à 3€ près, et puis après tout c'est sur le chemin pour rentrer du centre-ville, on est quand même pas aux pièces... Face à un tel traquenard, je me dis souvent qu'on devrait m'accorder l'Ordre du Mérite pour ne pas avoir depuis 3 ans que je lorgne, que dis-je que je bave, que dis-je que j'en rêve jour et nuit, péter une pile et fait flamber la CB pour décrocher ce foutu coffret 8LP du Orphans de Tom Waits qui trône en haut des étagères.

Ayant donc trouvé un nouveau prétexte pour passer devant ce piège à mélomane savamment orchestré, deux heures à tuer avant de monter le matos pour un concert au Rubis, plutôt que d'aller tenter une sieste pourtant bien méritée après 5 jours de tournée, me voilà donc qui pousse la porte de la Face B jeudi dernier.

Je n'ai pourtant pas l'âme du chineur.
Les brocantes qui sentent le grenier, les frippes poussiéreuses me gonflent de manière générale, même si j'avoue faire deux ou trois expéditions annuelles chez Emmaüs, des fois qu'un imbécile aurait décidé de se séparer de l'orgue Hammond de grand-père ou de la Les Paul Custom de papa... au prix d'une couverture en polaire pour deux sans abris, faudrait quand même pas rater une occasion de faire sa B.A. Certes pour l'instant le butin ne se monte qu'à un Bontempi orange à soufflet mais on peut toujours espérer.
Par contre, plongez-moi dans une mer de cheapos, et l'étincelle du fouilleur s'illumine dans mes yeux. Même si je dois me taper deux cent cinquante 7' de Claude François avant de tomber sur la perle rare, même si je dois choper des ampoules aux doigts à force de passer les pochettes en revue, je ne laisserai pas un bac, pas un.
Il faut dire que c'est souvent comique les bacs à pas cher... le nombre de merdes qui s'y trimballent, le nombre de cadeaux débiles potentiels qui n'attendent que l'oreille sourde ou la main mal intentionnée pour atterrir à la caisse. Combien de Verchuren dans leur jus, combien de Dalida immondes, combien de compils infectes, combien de groupes de yéyé nauséabonds, combien de marins, combien de capitaines ... je m'égare.

La pêche de ce jeudi fut bonne et surtout surprenante... parce que 3€ ça permet de faire des essais.

THE STYLE COUNCIL - GROOVIN'
THE STYLE COUNCIL - MY EVER CHANGING MOODS


On ne présente pas Paul Weller hein ? Bon d'accord, je reprends mon bâton de pèlerin et contribue une nouvelle fois à ta culture générale, lecteur (euse).
Paul Weller au départ c'est The Jam, le groupe Mods qui a tout dynamité sur son passage avec un "In the city" dévastateur en 1977 et que tu vas me faire le plaisir d'aller écouter séance tenante, tellement ça déboîte, ça remue, ça tabasse, et ça sonne. Du rythm and blues joué à trois cent à l'heure par des petits blancs becs londoniens fins énervés et salement amochés par la vague punk. Un monument du rock'n roll à elle toute seule cette galette.
J'ai mis un paquet de temps à m'en remettre d'"In the city", avant de prendre une seconde torgnole avec "This is the modern world" , mais il faut reconnaitre que The Jam broutent un peu par la suite, accusant une sévère baisse de régime sur les derniers albums avant le split en 1982.
Paul Weller ne refait surface dans ma discothèque qu'avec l'album solo "Stanley Road" en 1995... De ce qui s'est passé pendant ces 13 ans je ne savais encore rien ... mais comme je le disais à 3€ ça se tente.
Autant le dire de suite, j'aurai pu continuer à vivre sans écouter The Style Council, je me serai peut-être même un peu mieux porté, et ce bon vieux Paul n'aurait peut-être pas vacillé sur son piédestal l'espace du premier quart d'heure qu'il m'a fallu pour écouter ces deux maxis et du second pour trier l'acceptable de l'impardonnable.

Les années 80 ont un énorme point commun avec le fromage, à ceci près que je les adore, ça pue souvent très fort de prime abord et ça se révèle souvent bien meilleur qu'on le pensait.
Passons donc sur cette prod hyper froide, ce son raide et sans grand relief, ce mix des voix ultra lisse, ces synthés qui schlinguent, et commençons par la mauvaise surprise.
"Groovin" est un véritable carnage, un hybride foireux entre soul raccolo-dégoulinante schmoovy et pop mal gaulée... rien que le walking slappé de la basse mesure quatre du "Big boss groove" de la face A est un vomitif radical. Les cuivres en font des tonnes, mais finalement moins que la dulcinée de Weller ( pourtant ex-choriste de Wham ! ) qui te balance des choeurs téléphonés et des effets de chanteuse à voix qui me font littéralement sauter au plafond. Même Weller a du mal à tirer sont épingle du jeu, la voix est claire, sans âme, beaucoup trop propre, mais ce n'est finalement rien à côté de son acolyte aux claviers qui envoie des voicing et des chorus de piano et d'orgue dignes d'un Charlie Oleg paraplégique ivre mort.
Et pourtant il y a une légère lumière au bout du tunnel : un refrain imparable, de ceux qui mettent la banane dans la seconde, font du couplet suivant une belle traversée du désert, et sauvent le morceau du naufrage complet.
La face B est encore pire, avec un "You're the best thing" digne d'une B.O de divertissement pour adultes avec ses inévitables cordes au DX7 et sa basse fretless qui pue. On ne va donc pas perdre de temps, le mien en tous cas, parce que le vôtre est quand même le cadet de mes soucis.

"My ever changing moods" tiens par contre toutes ses promesses. Une bonne de pop song bien gaulée, et qui envoie. Même si de prime abord, les défauts du précédent maxi pourraient plomber celui-là tout pareil ( saleté de guitare whawha en arrière plan, congas pénibles, son de basse douteux.. ), reste que le titre est quand même bien meilleur, bien plus catchy, plus contrasté... faut pas hurler au chef d'oeuvre non plus, mais ce Style Council là tiens la dragée haute à George Michael et Lloyd Cole. A la hauteur de ce qu'on peut espérer d'un Weller en forme quoi.
La face B attaque avec "Summer Autumn", un guitare voix acceptable bien que peux inspiré et produit avec un manche de pioche, qui dégénère avec un synthé de plus à oublier dans les meilleurs délais . Le deuxième titre "Mick's Company" ne fait qu'enfoncer le clou quant au peu de bien que je pense de Mick Talbot, le grouillot de claviériste qui livre ici un instru proche de la démo de clavier de chez Auchan.

6€ pour un titre et refrain, j'aurai pu mieux faire, mais au moins je suis désormais un peu moins con, j'ai écouté The Style Council, et je vais pouvoir retourner l'esprit tranquille à "Stanley Road" et "Heavy Soul".

ROXY MUSIC "Avalon"

La claque que j'ai pris en découvrant Roxy Music. Les trois premiers albums sont juste fabuleux. Brian Eno n'était pas encore chiant et ne produisait pas encore Coldplay et U2, Brian Ferry n'avait pas encore la dégaine de Franck Michael qui fait les promo pour du pâté au rayon frais de ton supermarché favori le samedi après-midi.
On m'avait prévenu qu'"Avalon" était mauvais. On ne m'avait pas prévenu que la pochette pouvait largement postuler au titre des cover les plus laides de l'histoire. Y'a quand même des graphistes qui méritent des baffes ( on pourrait même remplacer le deux f par deux l non ? )
Mais voilà, piste 1 face A .... "More than this". Tout est dit. Ceux qui ont vu "Lost in Translation" se souviennent de la version de Bill Murray, ou à défaut sauront maintenant de qui est ce morceau. Je ne connaissais pas l'original, il fallait donc une nouvelle fois que je me culture.
Nom d'un vieux barbu omnipotent que ce titre est énorme ! La ballade up-tempo de génie par excellence. Certes on retrouve une nouvelle fois les odieux stigmates des eighties, mais bon sang que le songwriting frôle la classe ultime ( aux nappes de synthé et ad-lib de guitare caca près ), que Brian Ferry chante comme un dieu que ça m'en fout la chair de poule rien que de l'écrire.
Et que la chute est rude et longue... tout le reste du disque est clairement à jeter, exception faite d'"Avalon" qui reste audible et pas si désagréable ( mais merde quand même, le solo de sax et la fretless avec chorus, c'est pas encore interdit par la convention de Genève ? ).

The Maisonettes "Heartache Avenue"



Ma main droite au feu que tu n'as jamais entendu parler des Maisonettes, à moins d'être comme moi un inconditionnel de Belle and Sebastian et d'avoir remarqué que deux des membres ( en l'occurence les deux choristes ) sont créditées sur le maxi "Legal Man". Ce titre de Belle and Sebastian figurant dans mon top 10 des meilleurs titres écossais de tous les temps, quand je tombe sur un maxi des Maisonettes entre un Rika Zaraï et un best of de Johnny Winter, je n'hésite pas une demie seconde.
Le hasard est parfois un sacré blagueur, et je suis parfois un handicapé qui s'ignore. J'ai posé la face B en premier.
Premier titre "The last one to know", un slow qui tue. Pour du 83 ça sonne bien organique, presque chaleureux, pas de faute de goût ou de signe des temps, c'est hanté par le fantôme de Brian Wilson ( le pont surtout ), un petit gimmick de gratte et trompette dans le lointain façon Burt Baccarach, une mélodie qui tient la route... putain mais ça a l'air bien les Maisonnettes tous seuls dis-donc. Deuxième titre plutôt bien foutu, refrain catchy qui va bien, choeurs imparables à la Tamla, format un poil court et léger arrière goût d'inachevé. C'est tellement la bonne surprise que je me remets la face tiens.

Ma main gauche au feu que tu connais la face A. Je devrai arrêter ce genre de pari ou je vais finir grand brûlé. "Heartache avenue", sur le papier, moi non plus ça ne me disait rien, il m'a suffit de 15 secondes pour mesurer mon erreur. Putain de tube planétaire à l'époque j'en suis sûr, j'ai entendu ça quand j'étais gosse. Et la vache que c'est bon ! Ca sonne soul à bloc, ça stimule l'arrière train, c'est frais, et encore une fois ces deux choristes tiennent carrément la baraque debout. Pour tout vous dire, même ce foutu synthé qui permet une nouvelle fois de faire l'économie d'une section cuivres, a son charme, et je me demande presque si je ne le préfère pas à de vrais binious joués live. Franchement si Phil Collins avait eu du goût, des cheveux, et ne s'était pas pris les pieds dans le tapis en tentant vainement de reprendre The Supremes, il aurait remonté ses manches, rasé sa nuque longue et écrit "Heartache avenue", ça m'aurait aidé à supporter les fins de soirées trop arrosées chez un pote fan du Phil. Au lieu de ça c'est le frontman inconnu, des pas plus connues Maisonnettes, du nom de Lol Mason (qui ressemble d'ailleurs à s'y méprendre à Lonsdale dans Moonraker... lol hein !! ) qui lui chourave le poste de meilleur titre façon Motown non signé chez Motown.
Une fois n'est pas coutume, je vais même te mâcher le boulot et tu pourras écouter les Maisonettes ici : http://www.youtube.com/watch?v=HjziECMPgyk avant de te ruer sur le premier bac à cheapos venu, parce qu'après tout, comme on nous le serine tous les matins, c'est la crise.




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