vendredi 5 novembre 2010

Belle and Sebastian "Write about love"

Les gens posent souvent des questions cons, faut croire que c'est dans la nature humaine. Parmi cette armada d'interrogations débiles, celle des dix disques à emmener sur une île déserte me hérisse toujours le poil. C'est évident, si on me propose une île déserte avec seulement dix disques dans la valise, je ne pars pas, point barre.
Bon certes, en admettant qu'on me prédise à coup sûr un crash sur un bout de caillasse au milieu de l'océan en revenant de la première tournée interplanétaire d'Alone with King Kong, je prendrai mes précautions et trimballerai une platine et un bon paquet de cire. A coup sûr dans le lot, il y aurait Belle and Sebastian.

Ces écossais sont un véritable onguent, un groupe médicament, de ceux qui te remettent en selle quand tu as atterri au tapis, de ceux qui te font voir la vie autrement que comme un paquet d'emmerdements variés, de ceux qui permettent de rendre le quotidien souvent un peu moins pénible, de ceux à qui je pourrai tout pardonner.
7 albums au compteur, en comptant le dernier qui va dès maintenant passer sur le grill sous tes yeux une nouvelle fois ébahis lecteur (euse), une compil de singles, un live à la BBC et une B.O.
Pas grand chose à redire, fonce sur les singles, oublie la B.O ( bouh que c'est ennuyeux "Storytelling" ), passe ton chemin sur le live ( qui prouve que les prestations vocales de Stuart Murdoch sont loin d'être exemptes de tout reproche ) et craque pour tous les albums, car même les plus faibles ( "Fold your hands child you walk like a peasant" et "Dear catastrophe waitress") recelent toujours quelques perles qui valent le détour.

"Write about love" donc ... tout un programme.
Passons sur l'artwork qui est encore une fois simplement beau, dans la plus pure tradition belleandsebastianesque. Je te raconte même pas comme en vinyle ça a de la gueule.

A la première écoute, la production me gêne un peu, ça manque un poil de profondeur, c'est un peu gros son clinique, mais ce léger malaise disparaît peu à peu. Peut-être pas assez pour que ma langue de travailleuse sociale de bord de nationale se retienne. C'est enregistré à Los Angeles, une fois de plus la preuve éclatante que les grand-britons qui passent l'Atlantique sont souvent mieux servis chez eux, mais on aura encore l'occasion d'en recauser plus loin.

La seconde affirmation de cette nouvelle tentative de chronique potable sera un peu cruelle : ce "Write about love" ne m'a pas envoyé valser sur le fondement. Ce n'est pas mauvais loin de là, mais c'est en général un signe, quand je me cale au fond de mon fauteuil préféré pour écouter un disque et qu'à la moitié de la face A je commence à faire autre chose, c'est qu'il y a un léger souci. Ainsi l'album a tourné plus ou moins en musique de fond ( bouh honte à moi qui déteste ce terme ) depuis une semaine, sans qu'aucun titre ne vienne me chatouiller le tympan, dans le très bon comme le plus mauvais sens du terme.

Pourtant Belle and Sebastian fait une nouvelle fois du Belle and Sebastian, et jusqu'à maintenant ça avait suffit à faire mon bonheur. Mais tout paraît un peu plus terne sur cette album, les titres enlevés sont un peu moins accrocheurs ( "I didn't see it coming" et ses faux airs d'Electric light orchestra, "I want the world to stop" et ses choeurs systématiques pénibles ), parfois même fauchés en pleine montée de sève ("Write about love") , les mélodies moins bien senties ( oh que c'est culcul "Read the blessed pages"), tout ça ronronne gentiment quoi.
Oui je sais, je fais le blasé... si ce disque était le premier opus des écossais à atterrir sur ma platine, je gueulerais vraisemblablement au miracle, là je souris juste gentiment avec une vieille impression de déjà entendu.
Comme toujours deux, trois sillons sortent quand même du lot, "I'm not living in the real world" furieusement sixties et avec une vieille senteur des Who, "The Ghost of Rockschool" une ballade bien ficelée avec un break au tempo tassé malin, "Sunday's Pretty Icons" qui clos l'album sur une touche eighties et un gimmick de gratte franchement lobotomisant.

Et puis il y a le drame de cet album, dernière piste face A "Little you, Ugly Jack, Prophet John" .... les quarante premières secondes font tilt. Des ballades comme ça, Belle and Sebastian en ont pourtant pondu un paquet ( "Mornington Crescent", "Century of fakers" et "Fox in the snow" en tête ), mais dans ce domaine doux amer personne ne leur arrive à la cheville et tous ceux qui ont testé la recette se sont souvent lamentablement plantés. On y retourne donc, rhodes qui tue, batterie sèche, dépouillement et groove retenu,pelle cristalline, mélodie à se damner qui te perfore le lobe frontal d'entrée de jeu. Ca serre le ventre, ça titille les glandes lacrymales, mais ça ne dégouline pas, ça reste d'une retenue salutaire.
Et soudain, tout valse dans le décors direction le gâchis complet, la faute impardonnable. Attention éloigne les enfants et autres oreilles chastes de l'écran : putain de bordel de merde, c'est pas vrai, qu'est-ce qui leur a pris à ces connards d'écossais serrés dans leur pantalons trop courts de faire un duo avec Norah Jones ! Les bras m'en tombent...

Pourquoi faire appel à cette médiocre pisseuse ? La fausse crooneuse pour vieillard à l'oeil torve, la diva simili-jazz à cinq centimes d'euros pour enseignant branchouille inconditionnel de Télérama vient tout foutre en l'air, tout. Complètement à côté de la plaque la gonzesse.
Finie la retenue, là on y est, elle déboule avec ses gros sabots, son vibrato infecte, ses cordes vocales putassières qui t'indiquent d'un gros doigt vulgaire quand il faut commencer à trouver ça beau avec un grand B ....

Toujours difficile de démêler le coupable de la victime dans ce genre de situation, de décider sur lequel des deux tomber à bras raccourcis. Si c'est la bande à Murdoch qui a fait appel à cette grouillotte de bas étage, alors je jure de ne plus jamais acheter un album de Belle and Sebastian ( enfin avant le prochain quoi.... je sais, j'ai le pardon pas cher ), ils auraient pu au moins se rendre compte du massacre après la séance. Si c'est Norah Jones qui a demandé, ce qui tiendrait du mystère insoluble, on aurait quand même pu sympathiquement mais fermement lui montrer la sortie. Si même Belle and Sebastian se met à céder aux sirènes du duo radiophonique respectable et commercialement viable, je n'ai plus qu'à me pendre.
Pourtant qu'elle était bien à sa place sur Peeping Tom à sussurrer des insanités à l'oreille de Mike Patton, elle en était presque remonté dans mon estime... là retour à la case départ, cette pouffe m'a ruiné mon Belle and Sebastian.
Le duo avec l'inconnue Monica Queen sur le maxi "Lazy line painter Jane" a quand même une tout autre gueule, ils pouvaient pas la rappeler elle ? Ou Isobel Campbell ? Ou Cerys Mathews de Catatonia ? Même la femme de ménage du studio n'aurait pas fait pire. Bref, NORAH M'A TUER... j'enrage.

Bilan de l'opération, "Write about love" est à mon sens un album finalement moyen, peut-être celui que j'aime le moins de la totalité de leur discographie... "Life Pursuit" sentait un peu le renouveau, lorgnait sur le rock'n roll, était souvent très bon sans être mortellement inspiré. "Write about love" est son exact négatif, souvent décevant sans être pour autant mortellement mauvais.

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